Femmes de voix et de parole: le féminisme au Brésil et le rôle des femmes à la radio à l ’aube du XXe siècle di Amarante Maria Inês

L’image dominante véhiculée sur la femme dans la plupart des sociétés occidentales a été, jusque récemment, celle d’une personne confinée au foyer, dédiée aux tâches ménagères et à l’apprentissage permanent d’activités dites féminines, telles que prendre soin de la maison, des enfants, de l’alimentation et de servir à tous et, en particulier, au mari.

Michele Perrot (1989: 9) constate dans son texte sur les Pratiques de la mémoire féminine que « le récit historique traditionnel leur réserve peu d’espace, exactement dans la mesure qu’il favorise la scène publique – la politique, la guerre – où elles n´ont pas de visibilité ». L´auteur ajoute que «cette absence au niveau narratif est amplifiée par le manque de pistes dans le domaine des « sources » dont l’historien se nourrit, en raison du manque de registres primaires». Abondant dans le même sens, Héritier (2004: 63) affirme qu’étant «exclues des armes, elles le sont également de la parole et de la représentation. Leur légitimité à participer à des assemblées pose encore actuellement un problème à beaucoup d’hommes».

Dans la vision anthropologique actuelle, il y a unanimité entre les auteurs qui observent les sociétés contemporaines, comme Héritier (2004), Rosaldo et Lamphere (1979). Celles-ci affirment toutes que, quels que soient leurs niveaux d’organisation familiale ou leur mode de subsistance, ces sociétés se caractérisent par un certain degré de domination masculine. Héritier approfondit encore plus le débat lorsqu’elle examine l’inégalité de ces relations (2004: 66):

La domination masculine existe, agissante, oppressive, violente, dans de nombreuses sociétés de notre monde contemporain, mais aussi, de façon moins visible, symbolique, inculquée dans les rites et l´imaginaire des hommes depuis l’enfance, agissant ouvertement comme naturel, par omission. Dans notre propre société et dans toutes les cultures et toutes les civilisations.

 

Dans le cadre des relations patriarcales héritées des colonisateurs de l’Amérique latine qui ont implanté des sociétés chrétiennes conservatrices, la soumission de la femme apparaît comme un comportement consolidé et persistant. Pour Muraro (1996 : 17), il est dû, en grande partie, «aux religions qui servent le système économique». L’auteur souligne que figurent, dans la Bible même (Genèse, Chapitre II), les malédictions que sont pour l’homme «la mort et le travail et pour la femme la mort, le travail, l’accouchement avec douleur et la passion. (…) La femme est une chose parmi d’autres pour l’homme, mais l’homme est tout pour la femme». Perrot (1988: 177) résume cette idée de la façon suivante : «aux hommes, le cerveau [beaucoup plus important que le phallus], l’intelligence, la raison lucide, la capacité de prise de décisions. Aux femmes, le cœur, la sensibilité, les sentiments ». L’auteur souligne également que, malgré les débats féministes (1988: 184), «l’idée que la politique ne relève pas des femmes reste ancrée, jusqu’à très récemment, dans les opinions des deux sexes». Les femmes ont tendance à «déprécier la politique et valoriser le social et l’informel, intériorisant ainsi les normes traditionnelles».

Cette question est également abordée par Héritier (2004 : 98) lorsqu’elle affirme que «les rares valorisations du féminin connues dans l’histoire étaient fondées, principalement, sur la notion de maternité». Ceci est l’argument le plus courant qui nuit à la vie professionnelle des femmes, car il suppose qu’elles seront plus souvent absentes pour soigner leurs enfants. Ainsi, dans le monde du travail de la plupart des pays, elles exécutent des tâches subalternes et sous-payées. La valorisation de la femme en tant que mère mène à son confinement dans l’espace domestique ou dans des rôles maternels.

À ce propos, Rosaldo (1979: 25) affirme que l’accent mis sur le rôle maternel des femmes mène également à une opposition universelle entre les rôles «domestique» et «public», puisque la femme restreinte à la sphère domestique «n’a pas d´accès à l’autorité, au prestige et aux valeurs culturelles, prérogatives exclusives de l’homme». Et les hommes dégagés de la tâche d´assister leurs enfants, auraient plus de temps libre à consacrer au domaine public ainsi qu’à la réussite professionnelle.

La dissolution de cette hiérarchie, ou un moyen de la contourner et de rétablir un seuil d´égalité entre hommes et femmes passe, selon Héritier (2004 :  265) « par une inversion de la perspective; il s´agit d´une mesure politique. Elle implique un changement dans le regard ». Et ce regard est tourné vers le ménage, la contraception, la vie professionnelle, les droits sociaux et citoyens, la répartition des tâches etc., dans une valorisation permanente de la dignité et de l’autonomie des femmes.

Une telle perspective a suscité notre intérêt de mettre en évidence la façon dont de nombreuses femmes ont défié les préjugés de la société brésilienne au début du XXe siècle pour agir et être reconnues professionnellement, surtout dans les nouveaux médias qui ont bouleversé les habitudes et marqué une ère nouvelle.

II.        La condition féminine au Brésil au début du XXéme siècle

L’idéalisation du rôle des femmes au XIXè siècle passait surtout par l’éducation. Pour Silva (1969: 4) «quelques siècles d´éducation extrêmement restrictive et basée sur des faux concepts ont légué aux femmes un lourd fardeau d´inhibitions, de craintes, d´habitudes de dépendance et de routine mentale ».

Lors de sa recherche de documents et d´œuvres littéraires de l’époque à Rio de Janeiro, Bernardes (1989: 14) note que l’éducation était une prérogative masculine[1] et que l’enseignement réservé aux femmes avait un contenu fort précaire. Ce fait s’inscrivait dans les idéaux éducatifs dominants qui oscillaient entre offrir aux femmes une éducation vers l’émancipation ou tout simplement les instruire pour pouvoir éduquer leurs enfants ou améliorer les tâches ménagères afin d´être de bonnes hôtesses. Il existait la crainte qu’elles puissent apprendre un autre métier leur permettant d’accéder à un travail rémunéré et d’entrer en compétition avec les hommes. L’un des principaux défauts attribués aux femmes était le célibat et elles dépendaient de la tutelle de l’homme même pour mener des activités indépendantes, comme aller à la bibliothèque, par exemple (Freitas, 2002: 119).

Dans une recherche effectuée sur l’émancipation des femmes au Brésil, Pinto (2003: 13) souligne que la première phase du féminisme est marquée par la lutte pour les droits politiques, en particulier pour le suffrage universel, qui prend de l’ampleur en Europe et aux États-Unis. Cette phase qui commence au début du XIXe siècle se poursuivra durant trois décennies par des manifestations diverses, certaines organisées et d´autres centrées sur les efforts personnels de quelques femmes. Celle-ci atteint son apogée au Brésil dans les années 1920, sous la direction de Bertha Lutz, scientifique provenant d’une élite économique et intellectuelle qui a fondé l’Association Brésilienne pour la Promotion Féminine.

Le développement de la vie urbaine et l’émergence des classes moyenne et ouvrière ont favorisé l’expression féminine et influencé la vie des femmes. À cet égard, Mattelart (2005)[2] note que:

Il existe une relation très forte entre l’urbanisation et la prise de conscience des femmes, cela est certain. Même si la condition des femmes à la campagne a fait apparaître des mouvements particuliers, et aussi des prises de conscience particulières, c´est dans les villes qui sont nés les mouvements féministes.

La 1ère. Guerre mondiale apparaît comme un fait historique marquant du début du XXe siècle car elle va modifier les mentalités en raison du grand nombre de femmes, en particulier en Europe et aux États-Unis, qui prennent la place des hommes dans des usines et dans d’autres activités rémunérées. Les débats politiques sur la cause ouvrière, la justice sociale et la conquête de la citoyenneté s’intensifient.

Il y a, selon Pinto (2003: 14 et s.), trois aspects du mouvement féministe qui se  détachent dans cette période: le premier est la participation politique par le vote, de portée nationale – et qui ne remettait pas en question «la position d’exclusion des femmes comme résultat de la position du pouvoir de l’homme» ; le second est le féminisme diffus qui se manifeste dans la presse féministe alternative à travers les écrits des femmes instruites qui abordent «des thèmes sensibles pour l´époque, tels que la sexualité et le divorce» et le troisième qui est présent dans le mouvement anarchiste pour obtenir la continuité au sein du Parti Communiste à travers les travailleuses et les intellectuelles de gauche.

Les femmes brésiliennes cherchaient à obtenir l’adhésion de l’opinion publique par des marches, événements ou la publication d´articles dans les journaux. En 1910, le Parti Républicain Féministe est fondé mais ne connaît pas une longue existence. Il a toutefois servi à marquer la position féminine dans la sphère politique. Ses représentantes étaient Leolinda Daltro, professeur, mère de famille seule qui luttait pour la cause indigène en voyageant dans tout le pays, et Gilka Machado, poète, auteur de poèmes érotiques qui combattait pour le suffrage des femmes dans la presse et menait des débats sur l’émancipation et l’indépendance de la femme (Pinto, 2003: 18).

Bien que de nombreuses femmes aient joué un rôle pionnier dans la presse brésilienne depuis la seconde moitié du XIXe siècle[3], leur contribution dans la littérature a pris plus d’importance durant cette période d’effervescence que furent les premières décennies de ce nouveau siècle, à partir d’une classe moyenne urbaine et éduquée. Par sa position intellectuelle et militante et les relations sociales privilégiées qu’elle avait dans le monde politique, Bertha Lutz a écrit dans des journaux cariocas et a dirigé la campagne pour le droit de vote qui était refusé aux femmes avec l´appui d’amies fortunées ayant une grande visibilité sociale.

Dans l’État du Minas Gerais, les avocates Elvira Komel et Julia Alves Barbosa adhèrent au mouvement contre l’oligarchie dirigeante et encouragent d’autres femmes à exercer des activités journalistiques très expressives en ce sens dans des journaux populaires ou des tracts dont la lecture était facile pour les femmes ayant un bas niveau de scolarité.

Les couturières, ouvrières appartenant à l’industrie textile, s’étaient mises en évidence dans le journal La Terre libre, de tendance anarcho-féministe qui est apparu en 1906, dans lequel elles dénonçaient la domination des hommes et l’exploitation par le travail. D´autres quotidiens, de tendance anarchiste, comme Le Cri ouvrier ou La Plèbe, qui bénéficiaient de la collaboration de Maria Lacerda de Moura, réclamaient des droits politiques égaux pour les femmes et leur liberté sexuelle, défiant le pouvoir oligarchique en place dans les États de Minas Gerais et de São Paulo.

Mais ce fut à la radio que les femmes ont ont obtenu une plus grande visibilité et un espace pour la participation professionnelle, étant donné que ce média a apporté une nouvelle culture au sein de la société brésilienne.

III.      Du silence à la diffusion de la voix féminine à la radio 

Les premières stations de radio ont vu le jour au Brésil en 1923 ayant un but éducatif et se caractérisaient par la production de programmes simples, d’informations culturelles et musicales, tels que l’opéra et la musique classique. Il y avait encore peu d´investissement dans le secteur de la radiodiffusion et la croissance de ce média a été lente, la loi ne permettant pas la publicité. Les premières stations radiophoniques s´appelaient alors radios-société ou rádios-club et se maintenaient grâce à la donation d’amis et de partenaires qui formaient un groupe restreint d’auditeurs au pouvoir d’achat élevé. Ces stations de radio recevaient cependant de l’appui de certains annonceurs dont les produits étaient recommandés aux auditeurs tout au long de la programmation. La vente de programmes directement aux annonceurs a eu lieu à partir de 1932, ce qui transforme complètement la structure des radios: devenues une affaire rentable[4], elles diffusèrent une programmation populaire et innovatrice, très attractive commercialement.

Le tourne-disque est alors connecté à la table de mixage permettant le contrôle électronique du son, ce qui a donné naissance à la radio-spectacle, plus populaire, destinée à un large public qui consommait les produits annoncés et admirait ses artistes. D´après Haussen (2012: 325) cela marque « le début d’une lente invasion de la radio dans l’univers domestique » qui sera consolidé au cours des décennies suivantes, caractérisées comme «l’âge d’or » de la radio. Les radios deviennent une manie nationale, lancent des artistes et gagnent aussi les scènes des théâtres, attirant une foule d´auditeurs, dont la plupart était des femmes désireuses de rencontrer leurs idoles. Peu à peu, la variété de la programmation offerte était telle que certaines de ces admiratrices passèrent du salon où elles écoutaient la radio aux studios, devant les micros.

Les premières présentatrices sont apparues tout au début de la Rádio Sociedade, de Rio de Janeiro, marquant leur présence par la voix, telles que Maria Beatriz Roquette-Pinto, fille du grand fondateur de la radiodiffusion, comme le rappelle Tavares (1999: 108). Puis, avec l’augmentation du nombre de stations de radio, devenues des entreprises rentables, de nouvelles voix surgissent, comme Zénaïde Andrea, à la Radio Record de São Paulo et, en 1931, Natalia Peres (pseudonyme de Elisabeth Darcy), mère de deux enfants qui feront également plus tard carrière à la radio et au théâtre.

En 1932, à la Radio Cruzeiro do Sul de São Paulo, Maria de Lourdes Souza Andrade, a remporté un concours pour travailler dans une émission qui s´appelait “Hora das Donas de Casa »[5]. Connue pour la beauté de sa voix, son timbre rare et la spontanéité de sa locution, «douce et souple », l’animatrice a eu une longue carrière puisqu’elle s’est occupée, plus tard, d’une autre émission «Hora Social» et du « Programa das Mãezinhas »[6] à la Radio Educadora du même État.

Dans l’État du Parana, au sud du pays, une femme, Diva Ayres de Moraes, a travaillé comme animatrice à la Radio Difusora de la ville de Ponta Grossa. Elle était également disc-jockey « DJ » dans le langage actuel, activité plutôt rare à l’époque.

L’industrie du disque, dominée par des sociétés comme Odeon et RCA Victor, était en plein essor et offrait des produits avec une meilleure qualité d’enregistrement. En 1933, dans l’émission de Ademar Casé, animateur réputé de la Radio Nationale carioca, parrainé par l’une des plus grandes industries musicales du Brésil, la voix de Lucia Helena annonçait des chanteurs à succès, comme Francisco Alves, connu comme « le roi de la voix » et d´autres artistes de grand talent qui diffusaient de la musique populaire de qualité qui a marqué l’histoire, parmi lesquels Dorival Caymmi et Mario Lago.

Rudolf Arnheim, l’un des précurseurs en matière d’esthétique radiophonique, a apporté les premières réflexions sur les ressources que la radio était capable de créer, ce qu’il a appelé «le monde acoustique de la réalité». Il affirme que la radio créait, par la voix, le pouvoir d´établir une véritable empathie entre le présentateur et l’auditeur (1980: 89):

L’impression que certaines voix pleines d’expression produisent chez les auditeurs est assez significative. Ceux-ci reçoivent «la voix de quelqu’un qu’ils ne voient pas», mais dont ils imaginent l’apparence puisqu’elle [la voix] porte des traces de la personnalité. Cela se produit surtout avec ces voix qui ont une relation quotidienne avec l’auditeur et qui, par conséquent, lui semblent familières: le présentateur tout comme le professeur d’éducation physique, sont des gens bien connus et non pas des voix connues de gens inconnus. Le complément visuel ne manque pas.

 

Lorsque Paul Zumthor (2000:17 et s.) parle des caractéristiques particulières de la radio, média qui, selon lui, constitue la manifestation d’une «oralité médiatisée», il développe une refléxion sur la virtualité de l´émission par la voix, par laquelle l’auditeur établit un rapport entre le son audible d´un appareil «à un être humain qui existe quelque part». Ainsi, il le rend présent, sans pour autant avoir une participation directe, étant donné qu’il individualise la performance de l’émetteur dans ce que l´on peut appeler une «vocalité désincarnée».

Ce rapprochement avec le public est l’une des caractéristiques les plus marquantes de la radio. La vision que Martin-Barbero (2009)[7] porte sur la radio est liée à sa longévité: «la radio, parmi tant de médias, est celle que va durer le plus, parce que l’Amérique latine est orale, plus visuelle et moins alphabétisée». La radio, note l’auteur, «a organisé notre temporalité (le chronos): le jour et la nuit, se lever, prier, manger, prendre le déjeuner etc.».

Cependant, les voix qui identifiaient et attribuaient une marque personnelle aux postes de radio étaient masculines et on les appelaient «voix de cristal». Les émissions étaient  généralement produites par des hommes. Il n´y a que les publicités qu’ils diffusaient qui étaient généralement destinées aux femmes car elles avaient trait aux achats domestiques à l’épicerie. En dépit de cette caractéristique, les présentatrices ont peu a peu marqué leur présence.

Durant «l´âge d´or» de la radio sont apparues des chanteuses qui ont connu un succès national et international remarquable. Carmen Miranda ou «la petite prodige» fut l’une des premières artistes de la Radio Nationale à avoir connu une renommée mondiale lorsqu’elle s’est déplacée aux États-Unis, où elle a mené une brillante carrière dans des spectacles et des comédies musicales.

La chanteuse Linda Baptista, l’une des premières « reines de la radio »[8] fut l´attraction de la Rádio Educadora de São Paulo jusque dans les années 1940. De nouvelles voix sont apparues ensuite, comme celles de Hebe Camargo[9], Nora Nei et, peu après, Dalva de Oliveira et Marlene, cette dernière ayant reçu le parrainage d’entreprises de boissons comme Antártica,  et qui rivalisa avec Emilinha Borba et d´autres femmes qui chantaient et composaient des chansons d´amour et de drames.

Déjà connu en Amérique latine, le radiothéâtre a connu une longue existence à partir des années 1930 et a révélé des acteurs, actrices et écrivains. Certaines émissions qui ont marqué cette époque étaient la «Rádio de Antena»[10] qui était à l´affiche à la Radio Atlântica de Santos, dont le casting était constitué de couples de radioacteurs. A la Radio Mayrink Veiga de Rio de Janeiro, on mettait en scène l´emission «Théâtre dans les Airs» qui a lancé des actrices comme Edith Moraes, connue sous le pseudonyme de Conchita de Moraes.

L’un des grands noms de la dramaturgie féminine que la radio a découvert fut celui de Ivani Ribeiro (pseudonyme de Cleide de Freitas Alves Ferreira), qui a commencé sa carrière à la Radio Educadora Paulista, à Santos, en tant que chanteuse, poète, animatrice, radioactrice et romancière. A la Radio Bandeirantes de São Paulo elle excellait à l´émission “Teatro Ivani Ribeiro” avant d´être engagée par la télévision, au début des annés 1960, où elle a écrit des feuilletons qui ont connu beaucoup de succès.

Un autre grand nom de la dramaturgie féminine dans cette même période était celui de Janete Clair, nom artistique de Janet Stocco Emer, présentatrice et radioactrice de Rio qui est devenue écrivain avec une première œuvre réalisée à la Radio Nationale : “Uma escada para o céu”.[11] Plus tard, elle se mariera avec le dramaturge Dias Gomes et sera embauchée par la TV Globo pour écrire des feuilletons télévisés où son travail fut remarquable jusqu’à sa mort.

A part cela, nombre de femmes de talent comme Consuelo Leandro et Zezé Macedo ont fait une carrière à la radio dans la comédie, en particulier à la Radio Tupi de Rio de Janeiro.

Dans un rassemblement d´intérêts économiques, politiques et de talents, la radio est devenue un média qui a révélé un énorme pouvoir de mobilisation de l’opinion publique, une place qui, de nos jours encore, est occupée par la télévision.

IV.      Conclusions 

Au fil des ans l´écoute des femmes a été reléguée au dernier plan. Héritier (2004: 64) nous rappelle que «la voix des femmes n´est que tumulte, bruit difforme quand elle vient des gens du peuple (…). Sa sonorité gêne et son contenu n´est pas entendu».

Si l’histoire exalte beaucoup plus les actions des hommes que celles des femmes, et arrive parfois à les condamner au silence, ce que l’on peut voir ici est qu’elles essaient depuis longtemps de changer leurs pratiques et comportements en établissant de nouvelles dynamiques sociales. Cette particularité est observée par Perrot (1988: 187): «les femmes sont douées de vie (…) qui créent elles-mêmes le mouvement de l’histoire».

Toutes les femmes pionnières citées par Tavares (1999:111) ont offert une contribution historique au développement de la radiophonie au Brésil dans un moment où, selon l´auteur, «la femme était vue comme un simple objet, relégué à l’arrière-plan, surtout dans un média qui formait l’opinion publique». Elles ont indéniablement démontré un haut niveau d’abnégation et de courage.

Bien que la plus grande participation des femmes pendant la période étudiée ait eu lieu dans des stations de radios privés, centrées davantage sur le divertissement et les loisirs, ce qui correspond aux intérêts d’un système de pouvoir au Brésil bénéficiant aux entrepreneurs mais qui se fait au détriment des propositions alternatives ou éducatives de la population, l’intégration que les femmes ont crée par la communication avec le public, due à leur talent et obstination, a montré à toute la société les valeurs d´une communication dynamique a partir de leur réalité.

Les voix féminines ont conquis de nombreux espaces et ont obtenu la reconnaissance professionnelle au fil des ans et de l’évolution des temps, changeant les rôles sociaux des hommes et des femmes et, en quelque sorte, contribuant à la rupture de la division hiérarchique traditionnelle.

Ainsi, la radio – en tant que média accessible et populaire – révèle un pouvoir encore plus important: celui de mener des débats – et ce pouvoir du point de vue de « l’agenda médiatique », confère à la radio la capacité d’agir sur les structures cognitives des auditeurs ou même de le modifier à long terme. Il faut qu’il y ait un débat continu et étendu sur la citoyenneté et les droits des femmes, le genre et les rapports sociaux dans les médias, afin de rendre la femme plus digne et d´exalter son rôle historique. Si le traitement de ces questions culturelles domine les programmations des radios et d’autres médias électroniques et numériques, de nombreux changements pourront se produire à un rythme plus poussé.

La reconnaissance du rôle et de la compétence des femmes communicatrices dans l’univers magique de la radio agit favorablement sur son amour-propre, exalte son travail et lui accorde de l´admiration et du respect au-delà du domaine domestique et privé.

A travers la voix des femmes circulent des informations et espoirs, ainsi que d’autres formes de socialisation de nouveaux idéaux. Cette « voix féminine » qui parle à «l’autre» sur ses luttes et expériences, s´amplifie et devient captivante, élargit le terrain d´action de la protagoniste et le rend illimité dans l´espace des ondes sonores. Cela peut créer une empathie avec d´autres femmes et favoriser leur prise de conscience, contribuant ainsi au changement du statut de soumission qui leur fut réservé par le système patriarcal.

 

BIBLIOGRAPHIE 

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ARNHEIM, Rodolf. Estética Radiofônica. Trad. língua espanhola de Manuel Figueiras Blanch. Barcelona: Edições Gustavo Gili, 1980.

BERNARDES, Maria Thereza Caiuby Crescenti. Mulheres de ontem? Rio de Janeiro – Século XIX. São Paulo: T.A. Queiroz, Editor, 1989 (Coleção Coroa Vermelha-Estudos Brasileiros: v. 9.

FREITAS, Zilda de Oliveira. A literatura de autoria feminina. In: Imagens da mulher na cultura contemporânea. Silvia Lucia Ferreira e Enilda Rosendo do Nascimento (orgs.) Núcleo de estudos interdisciplinares sobre a mulher – NEIM FFCH/UFBA, 2002, pp. 115-124.

HAUSSEN, Doris Fagundes. Rádio, literatura e história do Brasil do século XX. In: O Rádio Brasileiro na Era da Convergência, DEL BIANCO, Nélia R. (org.), São Paulo: INTERCOM, 2012. (Coleção GP’S: grupos de pesquisa; vol. 5), pp. 323-340.

HERITIER, Françoise. Masculino, Feminino/II. Dissolver a Hierarquia. Lisboa: Instituto Piaget, 2004. (Coleção Epistemologia e Sociedade/226) 

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MURARO, Rose Marie. O Feminismo em busca do Equilíbrio. Entrevista concedida a Fátima Alonso e Eduardo Araia. Revista Planeta, 16 maio 1996.

PERROT, Michelle. Minha história das mulheres. Trad. Angela M. S. Corrêa. 1. ed. São Paulo: Contexto, 2008.

______. Práticas da Memória Feminina. In: Revista Brasileira de História, São Paulo: ANPUH/Marco Zero, v. 9 n. 18, ago-set 89, pp. 09-18.

______. Os excluídos da História. Operários, Mulheres, Prisioneiros. Trad. Denise Bothman, Rio de Janeiro: Paz e Terra, 1988.

PINTO            , Céli Regina Jardim. Uma história do feminismo no Brasil. São Paulo: Editora Fundação Perseu Abramo, 2003 (Coleção História do Povo Brasileiro).

ROSALDO, Michelle Zimbalist; LAMPHERE, Louise (coord.). A mulher, a cultura e a sociedade. Trad. Cila Ankier e Rachel Gorenstein. Rio de Janeiro: Paz e Terra, 979 (Coleção O mundo, hoje, V. 31).

SILVA. Carmen da. A arte de ser mulher. Um guia moderno para o seu comportamento. Rio de Janeiro: Ed. Civilização Brasileira, 4. ed., 1969.

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ZUMTHOR, Paul. Permanencia de la Voz. In: Performance, Recepção, Leitura. Tradução de Jerusa Pires Ferreira e Suely Fenerich. São Paulo: EDUC, 2000.

 

 

 

 


[1] Selon des données présentées par l’auteur, le taux d’alphabétisation de la population de Rio de Janeiro, estimée à 226.033 habitants, était de 65.164 d´hommes et 33.992 de femmes.

[2] Traduction de l´interview réalisée par l´auteur en Janvier 2005 à l´occasion du Forum Social Mondial, à Porto Alegre, Brésil.

[3] A partir de 1850, le nombre de publications sous la direction de femmes s´intensifie, comme le Jornal das Senhoras (Journal des Dames), édité par Candida do Carmo Souza Menezes, considérée comme la première journaliste du Brésil (Pinto, 2003: 31); O sexo feminino (Le sexe féminin), de 1873, par Francisca Senhorinha Motta Diniz, qui défendait une éducation réelle des femmes dans le sens de leur émancipation; A família (La famille), paru de 1888 à 1897, dont la responsable était Josefina Álvares de Azevedo et, à l´Etat de Rio Grande do Sul, le quotidien  Pela Mulher (Pour la Femme), fondée par Andradina de Oliveira, qui deviendra écrivain et publiera, entre autres, l´ oeuvre O Divórcio (le Divorce), qui a épaté la société car l´auteur soutenait l´idée de la séparation comme solution pour les mariages malheureux.

[4] Selon Tavares (1999: 58), dans les années 1930, plus de 50 stations rádios se sont installées partout au Brésil.

[5] L´Heure des Femmes au Foyer.

[6] L`Heure Sociale et l´Émission des petites mamans

[7] Extrait des notes personnelles de la “aula magna” donnée par l´auteur le 17 Août 2009, à São Paulo.

[8] Le concours suivi de l´élection des “Reines de la Radio” a débuté dans les années 1930 et va durer jusqu´aux années 1960. Le but était de choisir des femmes qui connaissaient le plus de succès à la radio et, ainsi, attirer l´attention du public d´auditeurs et de consommateurs.

[9] Hebe Camargo commence sa carrière artistique comme chanteuse à la radio et travaille, dans les années suivantes, à la télévision, où elle devient célèbre auprès du grand public (La marraine du Brésil).

[10] Radio sur Antenne.

[11] Un escalier vers le ciel.

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    By: Maria Ines Amarante

    Dottore di ricerca in Comunicazione e Semiotica all’Università Cattolica di São Paulo in Brasile nel 2010, dal 2014 è ricercatrice e Professore associato in Comunicazione a l’UNILA -Università Federale dell’Integrazione Latino-Americana a Foz do Iguaçu – Paraná –, dove porta avanti un Progetto di Ricerca dal titolo “La radio comunitaria alla tripla frontiera: il genere, l’etnia e l’inclusione sociale mediatica”. Autrice di saggi e articoli su riviste e contributi miscellanei, tra le sue pubblicazioni si ricordano África: múltiplos olhares sobre a comunicação con Antonio Hohlfeldt, São Paulo : Intercom, 2013 e Rádio Comunitária na Escola: adolescentes, dramaturgia e participação cidadã”, 2012.

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